Cet entretien a été conduit en octobre dans le cadre des Itinéraires graphiques 2022, à Lorient, par deux étudiantes de la mention AVJ . Ester Pedarzacq, étudiante en troisième année Art nous a rejoint pour mener cet entretien. Elle considère le travail de Barbara et Nicolas comme une source d’inspiration pour sa propre pratique et souhaite les interroger sur leur processus.
[installés confortablement dans la Galerie Le Lieu à Lorient]
Lena : Pour commencer, pouvez-vous vous présenter ? Individuellement… qui êtes-vous et que faites-vous ? Déjà : qui veut commencer ?
Barbara : Moi.
Lena : Oui ? Vas-y.
Barbara : Je m’appelle Barbara… je viens de Belgique, dans les Ardennes, à Vielsalm et je travaille… à l’atelier, à l’atelier La S.
Lena : Quel l’atelier ?
Barbara : Textile.
Lena : Le textile, ok. Et depuis combien tu temps tu fais ça ?
Barbara : Depuis dix ans.
Lena : Depuis dix ans, ok. Tu as eu une formation avant ?
Barbara : Non.
Lena : Non, d’accord.
Barbara : J’ai appris sur le tas et puis… j’ai…
Lena : Et après tu as continué et tu as été accompagnée par l’atelier ?
Barbara : Oui.
Lena : L’Atelier Grand S, La S… très bien. On reviendra après sur ton travail.
Et toi, Nicolas ?
Nicolas : Moi c’est Nicolas, Nicolas Clément, je suis photographe de formation, je suis sortie de l’école en mille-neuf-cent-nonante-neuf, quatre-vingts-dix-neuf, pardon, on est en France.
[rires]
Et donc, moi j’ai une approche de la photographie qui est plus documentaire à la base. C’est vraiment le réel qui m’intéresse, donc j’ai tout un travail qui est plus, j’ai envie de dire… pendant tout un moment j’ai beaucoup aimé me perdre dans des territoires où j’étais, par exemple, en résidence. La photographie est un mix de paysages, natures mortes, portraits, toujours sur des lieux. Voilà les rencontres. Donc c’est une photographie qui interroge le réel c’est… j’ai beaucoup travaillé en collectif, on avait un collectif à la base en Belgique qui s’appelle le collectif Blow Up avec lequel on a fait beaucoup d’expositions, c’était huit photographes belges… et voilà là, enfin ça, c’est vraiment mon travail de photographe plutôt documentaire… que je pratique encore aujourd’hui, mais j’ai aussi d’autres pratiques. J’ai, par exemple, avant de travailler avec Barbara, j’ai travaillé dans le cadre d’une résidence d’artistes dans un centre de textile et de tapisserie à Tournai, durant laquelle je travaillais plutôt l’idée du collage. C’était un travail que je devais faire, enfin, que j’avais envie de faire. Je mettais en relation le corps et les images. Ce qui m’intéressait, c’était de réfléchir à comment ouvrir une image, comme on pourrait ouvrir un corps, et donc là, déjà, le textile… enfin voilà j’ai commencé à m’intéresser de loin au textile. Puis, qu’est-ce que je fais d’autre ? Je fais de la vidéo, je donne des cours de photographie depuis pas mal d’années dans des Académies des beaux-arts en Belgique. Voilà.
Lena : OK, d’accord.
Nicolas : En gros…
Lena : Ça permet peut-être de financer ton travail ? Je ne sais pas si tu vis de ton travail, de la photo…
Nicolas : Alors non, je vis plus de mon travail d’enseignant, vraiment.
Lena : Oui.
Nicolas : C’est ce qui me permet aussi d’avoir quand même du temps pour mon boulot personnel. Donc les deux boulots me font vivre, mais principalement, s’il fallait faire une fraction dans le mois sur les revenus c’est quand même le boulot d’enseignant qui donne une certaine sécurité de vie aujourd’hui, mais mon travail artistiquement rapporte aussi un peu d’argent, de temps en temps. Parfois pas assez, mais comme beaucoup d’artistes.
[petit rire]
Lena : Et tu fais de la photo numérique, argentique, les deux ? Quel est ton médium favori ?
Nicolas : Je fais principalement de la photographie argentique… donc c’est vrai que la majorité des images qu’on voit ici, dans l’exposition, sont réalisées en argentique, soit au moyen format, soit au grand format… une chambre technique… voilà ce genre de choses. Et les films ont été réalisés en partie en pellicule, en Super 8. En fait, j’aimais bien la pellicule pour travailler avec Barbara. Pour deux raisons : d’abord, moi j’aime bien le support argentique, mais justement quand j’étais en résidence dans l’atelier… enfin dans le musée du textile, en Belgique, j’avais voulu mettre en relation la machine à coudre et la machine à projeter du film. Je trouvais qu’elles faisaient un son assez similaire et je n’avais pas eu le temps de mener ce projet-là. Et puis quand j’ai rencontré Barbara, elle travaillait avec une machine à tricoter qui travaillait avec des fils et je me suis dit « Ah ! Mais c’est peut-être le moment de faire ce film en pellicule, pour de vrai ». Voilà, c’est comme ça que ça a démarré et donc, en effet, l’argentique, pour moi, c’est important… autant dans mon travail que dans mon boulot d’enseignant, puisque je transmets toujours cette technique argentique, mais je vous avoue que je travaille aussi en numérique. Enfin, ce n’est pas un aveu c’est que voilà… [rires] ce sont deux techniques et je trouve justement qu’il y a plein d’aller-retour à faire. Par exemple dans l’exposition il y a aussi de petits tirages qui sont des prints numériques… ce sont des captures d’écran du film qui a été réalisé en Super 8. Voilà, ça tricote aussi à ce niveau-là.
Lena : …d’accord. Ça tricote, un beau lien entre vous deux.
Lisa : pouvez-vous nous raconter votre rencontre parce que j’ai vu aussi, enfin j’ai vu que dans ton travail documentaire tu fais aussi beaucoup de liens entre ton vécu et le vécu des autres, enfin en tout cas dans ces questionnements de rencontre. Donc j’ai une peu compris, enfin j’ai, j’ai cru percevoir un lien justement dans le bruit… tu disais de la machine à tricoter et de la pellicule, mais… du coup qu’est-ce qui vous a vraiment donné envie de… qu’est-ce qui vous a connecté tous les deux, qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler ensemble et comment s’est fait cette rencontre aussi ? Enfin à quel moment… dans quelle circonstance… c’est un peu… [rire de Lisa]
Nicolas : [Nicolas regarde Barbara]… qui est-ce qui répond ?
Barbara : [silence]… toi ?
Nicolas : Ok. Ben je vais commencer et puis quand tu veux rajouter quelque chose tu le dis aussi, si tu n’es pas d’accord ou… enfin voilà. Mais… donc moi d’abord je suis arrivé, il a fallu que j’arrive à La S Grand Atelier parce que c’est dans les Ardennes, enfin l’Ardenne belge… parce qu’on dit l’Ardenne belge et les Ardennes françaises, c’est important [rires].
Lena : on fera attention.
Nicolas : Ah, en fait on m’avait appelé, donc Anne-Françoise Rouche, qui est la directrice du Centre d’art brut là-bas, m’avait appelé parce qu’ils étaient occupés à travailler justement avec Thierry Van Hasselt, chez Frémok sur un livre qui s’appelait Knock Outsider… et Knock Outsider c’était…
C’était un livre en fait, une sorte de manifeste du Centre d’art brut qui avait un peu pour but de témoigner déjà de toutes les collaborations un peu… bah que générait La S Grand Atelier entre artistes porteurs d’un handicap mental qui travaillent à La S Grand Atelier et des artistes… euh… « normaux », je ne sais jamais trop comment dire… et donc eux ça faisait pas mal de temps qu’ils essayaient de créer des résidences pour générer ce qu’ils ont appelé un troisième langage. On créait des binômes et vraiment on créait des projets croisés euh… voilà. À moyen ou à long terme. Ou à court terme, ça dépendait. Et donc, dans le cadre de la publication Knock Outsider, Anne-Françoise Rouche m’avait demandé si je pouvais faire des photos des tables, en fait des artistes qui travaillaient sur place, et donc j’ai été à La S une fois, deux fois, trois fois, et en fait j’y suis retourné comme ça pendant un an pour faire des prises de vue du lieu pour comprendre un peu comment il fonctionnait et donc j’avais… c’était des photographies avec beaucoup de distance quand même je trouve, enfin j’étais.. J’étais un peu timide d’arriver dans cet endroit, même impressionné, enfin je ne savais pas comment m’adresser à tout le monde là-bas, enfin voilà. Mais au fur et à mesure, j’ai vraiment bien aimé y retourner et regarder ce qu’il se passait, et photographier. Donc je travaillais au pied, au moyen format. Et, une des rencontres, parce que voilà, il y a eu pleins d’artistes. J’ai rencontré Marcel Schmitt, j’ai rencontré Régis euh… Jean Leclercq, enfin plein de chouettes artistes qui bossent là-bas et qui sont vraiment incroyables toutes et tous. Et quand un moment je suis arrivé devant Barbara. Barbara, à l’époque, tu étais occupé à travailler sur…
Barbara : sur la cabane…
Nicolas : …sur la cabane, ouais, et qui était quoi, en fait, ta cabane, si tu peux expliquer ?
Barbara : Euh… c’était une cabane un peu ben… ouais ben une cabane un peu et… la seule qui ait survécu c’est moi avec mon cheval.
Nicolas : Cette cabane était dans les bois, c’est une histoire que Barbara avait, et en fait je lui ai demandé cette histoire. Pourquoi ? Parce qu’elle avait construit la cabane. La cabane, c’est ce qu’on voit sur la grande grande photo wallpaper c’est ces tricots qui descendent et Barbara, si on regarde sur le wallpaper, elle est vraiment couchée dedans et en fait quand je suis arrivé à La S, tu travaillais sur la cabane et sur des pulls qui étaient tous ornementés, donc des pulls de ce style-là [il montre un pull dans l’exposition], mais, pour la plupart, les pulls étaient ornementés d’une flamme qui était ce qu’on peut dire une broderie.
Barbara : cousue.
Nicolas : cousue… cousue quoi. Et donc Barbara m’a raconté cette histoire et moi j’étais un peu interpellé et donc j’ai demandé à Barbara… parce que j’avais remarqué que ses pulls étaient faits à sa taille, et je lui ai dit, tiens Barbara, est-ce que tu serais d’accord pour que je fasse une photo de toi ? Et je crois qu’au début… Barbara n’était pas trop d’accord [rires]. Elle m’a même dit, si tu veux on peut appeler des amis à moi, on le mettra sur une grosse voiture et on fera des photos, ce que je trouvais peut-être pas mal aussi finalement, mais je trouvais quand même que, je trouvais que… bah voilà Barbara m’intriguait… et donc j’ai compris qu’il y avait pour Barbara une sorte de problème d’apparaître devant la caméra… en tous les cas au niveau du visage et se donner… donner son image à moi n’était peut-être pas quelque chose… ce que je comprends tout à fait. Et ça, c’est un truc qui moi m’intéresse, d’aller vers l’autre, de comprendre comment faire une image de quelqu’un d’autre et voilà et donc moi je partais en voyage à ce moment-là.
Barbara : Au Mexique.
Nicolas : Au Mexique en effet parce que je vais souvent au Mexique, enfin voilà. Et Barbara… et j’ai dit à Barbara, mais en fait si tu n’as pas envie qu’on te reconnaisse est-ce que tu n’aurais pas envie peut-être de faire des cagoules ?
Et j’avais ces images des Pussy Riot, j’avais un peu… d’autres amis qui travaillaient aussi la cagoule, les masques… Moi-même, j’avais été en Roumanie. Avant, j’avais tout cet imaginaire carnavalesque. Et donc voilà, et puis Barbara elle m’a regardé un peu bizarre au début et puis on s’est dit en revoir et peut-être deux mois après, chouette surprise, c’est que quand je suis revenu, il y avait des cagoules qui avait été créés. Et voilà… Et entre temps, juste pour faire le lien, c’est que j’avais répondu à un appel pour faire un film en argentique dans un atelier de cinéma, à Bruxelles, qui produit des premières réalisations. Et donc ces premières réalisations, c’est vraiment… c’est quand même une aide au niveau du matériel, vous avez un suivi, vous avez des parrains et il n’y avait pas beaucoup de budgets, mais quand même, il y avait de quoi acheter… euh allez une dizaine, quinzaine de pellicules Super 8 puisque ça coûte hyper cher le Super 8. Et donc le dossier avait été accepté, et donc j’avais remis un dossier en disant que j’avais travaillé sur La S Grand Atelier, mais dans une idée d’un montage-collage, vraiment, un peu un documentaire expérimental sur le Centre. Et en fait, le temps passait et je n’avais toujours pas commencé ce documentaire puisque je ne savais pas trop encore comment le prendre, et puis aussi parce que la relation avec Barbara commençait un peu à se renforcer en fait. Et donc, quand les premières cagoules ont été faites, j’ai dit à Barbara : « est-ce que maintenant tu es d’accord pour faire des photos ? », et elle a accepté, et je lui ai demandé où, et elle m’a dit dans les bois. Et donc on est partis, on a fait une journée euh… on est partis avec Florence Monfort qui, à l’époque… il faut savoir qu’à La S Grand Atelier, Barbara a son atelier textile, mais il faut savoir qu’elle a une référente ou un référent dans chaque atelier. À La S Grand Atelier, vous avez un atelier de textile, de peinture, de gravure, d’animation, de musique… et donc les animateurs sont des artistes qui travaillent là, eux, tous les jours à l’année. Et les artistes qui viennent en mode invités, eux, on va dire qu’ils viennent de temps en temps, pour des résidences, pour travailler le jour, et puis qui repartent, et puis sinon il y a des gens qui sont là. Et donc avec Barbara à l’époque, et Florence, on travaillait vraiment sur une série de pulls et de cagoules. C’était… ouais voilà. Et donc on est partis dans les bois et on a pris des photos, et là c’était super. Et donc à la fin du shooting Barbara – enfin je dis « shooting », mais je n’aime pas ce mot-là – de cette prise de vue, Barbara, elle était en dessous de l’arbre. Et tu étais quoi ?
Barbara : Couchée.
Nicolas : Couchée, elle était presque endormie, elle était bien, moi je trouvais, enfin voilà qu’il y avait une sorte de [souffle]… un peu relâchée. Et à la fin, j’ai dit : « mais Barbara, en fait, c’était super chouette, enfin moi j’ai bien aimé, est-ce que tu as bien aimé ? ». Je crois qu’on était d’accord que c’était chouette. Et puis je lui ai dit « est-ce que tu serais d’accord que je fasse un film alors ? » Donc, je lui ai expliqué mon projet de film que j’avais et c’est comme ça que ça a commencé l’aventure Barbara dans les bois.
Léna : Et vous avez mis combien de temps à le mettre en place ce projet ? Une fois que vous vous êtes dit « on démarre » ?
Barbara : Trois ans.
Léna : Trois ans, ok. Donc, il y a eu l’écriture du… peut-être, comment s’est passée la réalisation du projet ? J’ai vu que toi tu avais écrit un petit peu la trame de l’histoire.
Barbara : Ouais.
Léna : Ça t’a pris combien de temps ? C’est venu d’un coup… ?
Barbara : Euh oui, oui.
Léna : Oui.
Nicolas : En fait, la trame de l’histoire c’est vraiment le petit pitch qu’elle vous a raconté tout à l’heure. C’est vraiment, c’est, c’est la cabane, etc. C’est vraiment ça qui était fort, c’est que c’était justement, c’est sorti en effet très… comme ça…
Léna : Ouais.
Nicolas : Mais tout était là.
Léna : Ok.
Nicolas : Euh pardon, j’ai coupé, mais voilà. Vas-y Barbara.
Barbara : Euh oui.
Léna : Et après il y a eu le tournage ?
Nicolas : Pas tout de suite en fait, car il fallait comprendre comment… d’abord il fallait trouver des lieux donc on a pris le parti en fait… moi je venais en résidence toutes les deux semaines, pendant deux jours, trois jours. Et donc qu’est-ce qu’on faisait quand on était ensemble ? Moi j’avais ma caméra DV (Digital Video) et on allait se balader dans un périmètre assez petit autour du Centre. Et ce qui était chouette c’était qu’autour de là il y avait plein de belles choses, il y avait la forêt, il y avait ce ferrailleur qu’on retrouve dans le film, il y avait des carrières… Puis j’apprenais que Barbara savait faire du cheval… donc il y avait… voilà, on s’est beaucoup promené et c’est vraiment en se promenant aussi qu’il a commencé à se passer des choses, en se promenant on se rendait compte que Barbara avait une très forte présence devant la caméra. Et puis on a commencé à avoir des discussions ensemble sur la nature, sur cet aspect un peu chamanique qu’on retrouve dans le film. Barbara me disait que si on tourne l’hiver il va faire froid, alors il faudrait faire un manteau. Alors bah on s’est dit, oui c’est une bonne idée alors on va faire un manteau. Et donc à ce moment-là, y a.… Il fallait trouver des matériaux pour faire un manteau et donc à ce moment-là, justement, il y avait une donation… une autre personne handicapée de la région qui lui faisait des tapis, alors vous voyez avec des motifs. Et donc, il faisait des tapis avec plein de motifs de Disney, il venait de décéder et en fait sa maman est venue apporter ses tapis et on s’est dit tient ça, ça pourrait être chouette pour un gros manteau. Et euh… on a photographié le manteau, on, on a redécoupé les photos, on a fait des collages et un premier manteau en papier, on s’est attelés, ça a été un gros, gros travail ce manteau.
Barbara : C’était long.
Nicolas : Super long. Puis il fallait faire des flammes, fallait faire des masques. Et puis il fallait comprendre comment est-ce qu’un corps peut bouger devant une caméra et comment est-ce qu’on bouge devant une caméra, comment est-ce que ce personnage qu’on avait photographié, enfin qui apparaissait dans certaines photos pouvait aussi prendre vie. Et donc ça, ça a pris beaucoup de temps. un an, un an et demi vraiment de… une grosse année je dirais de repérage et d’images qu’on a faites, mais qu’on n’a jamais utilisées. C’était juste de l’image DV. Et puis… Je vais arrêter de parler, mais je… on a fait le tournage en deux semaines, donc deux fois cinq jours, avec un week-end entre les deux et on s’était dit qu’il y avait six jours de tournages où on savait ce qu’on devait faire et quatre jours d’improvisation. Et puis le montage a pris beaucoup de temps aussi. Un an, un an et demi avec, c’est passé dans tous les sens au montage… Et pour arriver finalement avec 14 minutes si je me souviens bien de film. Avec, dans le film, un mélange de Super 8 et d’images de DV que j’ai quand même voulu garder. Donc ça bascule du 4/3 au 16/9ème de temps en temps.
Ester : j’ai une question sur la réalisation des costumes, tu disais que tu avais déjà pris en photo les tapis et fais un collage avec, pour faire une maquette. Euh… est-ce que c’est comme ça que vous fonctionnez tout le temps pour les costumes ou est-ce que ça change ?
Barbara : Euh… moi je travaille sur euh, donc pas avec des patrons parce que je trouve ça chiant, mais je travaille sur des mannequins beaucoup et euh…. Dès que j’ai une idée, je la dessine et après j’essaye de la refaire sur le mannequin.
Lisa : Tu disais que ça fait 10 ans que tu es artiste : le travail sur la laine et sur le textile ça fait très longtemps que tu as une connexion avec ce médium-là, et du coup, je me demandais pourquoi avoir choisi le textile ? Enfin, qu’est-ce qui t’appelle dans le textile, c’est la texture, la matière… ? Le fait de le porter, d’être enveloppée ?
Barbara : Je ne sais pas trop. Je n’avais pas réfléchi à ça et quand je suis arrivée à La S en 2012, je ne voulais pas être à La S, je trouvais que ce n’était pas ma place. Et euh après [silence] j’ai commencé à euh… mince je ne sais plus ce que je voulais dire.
Lisa : Donc tu es arrivée à La S, tu ne t’y sentais pas trop à ta place au début et puis après c’est une rencontre avec quelqu’un qui t’a fait te sentir bien ?
Barbara : Euh avec Nicolas je pense, là j’ai commencé à aimer ce que je faisais. Puis il y a eu… oui, il y a eu une connexion au textile, mais je n’ai pas été à l’école donc je n’ai pas de formation, j’ai appris sur le tard. Et puis euh… oui voilà.
Lisa : Tu as appris aussi peut-être avec l’artiste qui était à l’atelier textile de… ?
Barbara : Oui.
Léna : Et du coup tu as fait… tu as travaillé sur d’autres projets avant de rencontrer Nicolas ?
Barbara : Non.
Léna : Du coup, avant de rencontrer Nicolas, tu travaillais vraiment sur la cabane ?
Barbara : Oui. Mais la cabane euh… j’ai travaillé dessus, mais sans savoir que c’était ce que ça allait devenir.
Léna : Ok.
Barbara : Et puis ça… Et puis ça a été [silence] c’est devenu une cabane.
Léna : Ok.
Ester : Et ça faisait combien de temps que tu étais à l’Atelier avant que Nicolas arrive ?
Barbara : euh… [silence] euh… pas si longtemps.
Léna : Parce que toi tu habites en Belgique actuellement ?
Barbara : Oui.
Léna : Et comment tu es arrivé à La S Grand Atelier ? Tu as rencontré quelqu’un… ?
Barbara : Non. En fait, euh [silence] avant de travailler à La S, ma mère était… elle travaillait au château… pour les autistes, et c’est elle qui m’a dit euh… qui m’a amenée à La S parce que moi je voulais travailler, je voulais faire comme ma mère, je voulais travailler. Et euh… je ne voulais pas être comme les autres. Je ne voulais rien avoir à voir avec les autres. Et j’ai rencontré les autres et euh maintenant j’aime bien.
Nicolas : Et puis, enfin moi je voulais dire, parce qu’avant de partir vous disiez pourquoi Barbara, le textile et tout ça… il faut savoir que Barbara, elle travaille du textile, mais elle ne fait pas que du textile. Là elle prépare une BD, euh elle fait de la photo pour l’instant aussi… je suis… nous, avec Barbara, on a fait une première grosse collaboration, mais elle créait aussi d’autres collaborations. Ok. Donc il faut savoir, ce que je vous disais tout à l’heure… par exemple, après notre premier film, elle a travaillé un peu avec un styliste à Anvers euh… le dessin c’est quand même une pratique que tu as aussi en atelier et tu as déjà fait des dessins aussi en expo… Et on travaille ensemble la performance, aussi. Ça aussi, c’est une partie du travail. On a fait le premier film, peut-être que je peux revenir deux secondes sur l’histoire de… voilà donc on a fait Barbara dans les bois. Barbara dans les bois a été montré une ou deux fois. Enfin d’abord au cinéma, puis dans des festivals, en expo… Plus souvent en expo d’ailleurs qu’au cinéma, ça on a compris, enfin voilà. Et puis euh on a une proposition d’un centre d’art qui avait vu le film et qui nous a dit « tiens, est-ce que vous voudriez bien venir chez nous en résidence ? », donc le binôme Barbara-Nicolas. Et donc c’était quelque part en Andalousie euh… On est partis là deux semaines en Andalousie, en 2017, pour faire un deuxième film qui s’est appelé Santa Barbara. Et Santa Barbara bah c’était… Donc, on a d’abord réfléchi avec Barbara sur les costumes qui étaient chouettes à faire. Bon Barbara m’a tout de suite dit « moi j’ai envie de faire un poulpe et un lézard ».
Barbara : Ouais.
Nicolas : Euh donc le poulpe et le lézard sont dans l’exposition. Et donc, les costumes ont été créés avant. Donc moi je me suis vraiment renseigné sur la région, c’était un petit village près de Cordoue et j’avais vu, découvert là-bas qu’il y avait une tradition de la vierge des égouts, qui était une procession qu’on faisait chaque année, pour j’imagine honorer l’eau qui doit se faire rare en Andalousie. Et euh il y avait vraiment cette image, vous voyez j’avais vu une procession, il y avait des images sur Internet, que c’est vraiment une culture populaire, on voyait la vierge qui se baladait avec tous les gens qui tenaient, et des rubans qui étaient accrochés à la vierge. Euh… et puis voilà au fur et à mesure, cette image de vierge elle s’est un peu… comment dire affirmée et puis je trouvais ça très chouette d’appeler ce film-là Santa Barbara. J’aimais bien le jeu de mots, ça me faisait penser à plein de choses. Et donc, on a fait ce film-là. Là, par contre, c’était hyper condensé, on a vraiment… on avait déjà trouvé notre langage entre guillemets durant toute cette préparation du premier film. Et donc on a accepté, mais vraiment on a.… On était tous les deux… voilà, pendant 10 jours, on a travaillé à fond… Sur 10 jours de tournage, on arrivait dans un lieu, on ne connaissait pas le lieu, il fallait trouver des gens avec qui jouer… Ouais, parce que j’aimais qu’il y ait des interactions entre Barbara et les autres personnages, donc dans le film on a un duel de cigare avec une nana dans sa piscine, on a une moto cette fois-ci, car on ne voulait plus prendre un cheval… euh… une rencontre avec un agriculteur… plein de petites rencontres dans le film. Puis il y a quatre porteurs qui transportent Barbara. Et donc là, très condensé, mais c’était chouette aussi, c’était un autre rythme de production et puis le montage a de nouveau pris un an etc. Et après ce deuxième film, donc on l’a montré aussi en expo, on a commencé, oui c’est ça on a eu une expo à Luxembourg ville, au Centre d’art contemporain du Luxembourg qui nous avait invités à montrer les deux films et à ce moment-là en fait, il y avait aussi la proposition du Centre d’art contemporain d’investir la black box du musée. Et donc il y a eu une idée de faire un défilé des pièces de Barbara. En réfléchissant donc, avec le styliste, les gens du musée, les gens de La S, Barbara et moi on s’est dit : « si on faisait plutôt une performance en fait ». Donc, on a fait un appel aux performeurs du Luxembourg qui pourraient revêtir les costumes de Barbara, mais en même temps il y avait aussi le désir, pour nous, de les mettre. Et donc, on a créé pour l’occasion un collectif qui s’appelait Post Animal. Ça, c’est quelque chose qu’on ne montre pas dans l’expo ici parce qu’il y a plusieurs têtes aussi, donc ce n’est plus un binôme, ça devient toute une équipe sur ce coup-là. Et donc, on a fait durant deux heures une performance dans tout le musée, où on circulait un peu partout tous en costumes, je dirais qu’on a travaillé pendant… si on met toutes les périodes de résidence, un mois de résidence à créer cette performance, à créer un langage et donc là, on était aussi dans le vivant. On a reproduit ça dans une deuxième résidence dans un gros centre culturel en Belgique côté flamand où on a fait 4 heures de performances, deux fois 4 heures de performances. Avec vraiment tout un… de nouveau de mettre, dans l’idée, les costumes. Alors là, attention, ce qu’il faut préciser c’est que c’était les costumes de Barbara, mais c’était aussi les costumes d’autres personnes qui travaillent dans l’atelier textile. Donc on a de plus en plus ouvert aussi à l’idée du collectif. Et, donc voilà… ce que je veux dire… on a fait un livre aussi, un peut tout ça dans les mêmes périodes, Barbara dans les bois qui est aux éditions Frémok, Frémok outsider, car il y a vraiment une petite collection dans Frémok qui est consacrée aux ouvrages de mixité. Les responsables de l’édition c’est vraiment Frémok et La S. C’est eux qui chapeautent le volet de cette collection dans l’édition. Ce que je veux dire par là c’est que c’est vraiment un projet tentaculaire. Ce truc, cette aventure qu’on a commencée avec Barbara, d’abord ça a été une rencontre, des photos, un film ensuite un deuxième film, un livre, et maintenant il y a l’idée d’un troisième film donc il y a une partie qui est ici, on est repartis en résidence. Dernièrement on avait aussi une exposition, qui est toujours là, à Sète. Et là, on a refait aussi une performance au Miam il y a trois semaines, on a retravaillé avec le responsable de l’atelier peinture à La S mais qui est un ancien danseur. Anaid Ferté qui s’occupe de l’atelier textile et Barbara travaille beaucoup aussi en binôme aussi aujourd’hui. On a aussi invité une autre personne qu’on avait rencontrée dans un festival à Paris qui était le festival plutôt de son, de musiques alternatives : le Musique Protest. On a rencontré Sabrina Calvo qui est une artiste transgenre, auteure de science-fiction plutôt, et couturière. Donc voilà, avec elle on a créé une grosse toile dans le jardin, une énorme toile d’araignée avec Anaid et Sabrina. On a fait une demi-heure de performance dans le jardin du musée. Qu’est-ce qu’il s’est passé dans cette performance-là dernièrement ? Il y avait toute une préparation de l’ordre de l’habillage rituel. Donc moi je faisais plutôt du son, des Loop sonores au micro. Barbara, elle était un peu cachée en haut du musée. Puis Barbara est descendue tout doucement, elle avait… elle était en méduse en fait. Moi je faisais du son, Micky a commencé à se transformer, nous aussi on a revêtu des costumes. Et Barbara avait aussi un petit scénario pour la performance. Elle l’a appelé Le crabe qui a vaincu le cancer en sept jours. Et qui témoignait du même sujet que le film Barbara 3. C’est que Barbara, elle vient de vivre une grosse épreuve. Deux grosses épreuves.
Barbara : Oui.
Nicolas : Dont on parle dans le film. Euh… j’y vais, je continue à parler ? [à Barbara]
Barbara : Ouais, ouais, ouais.
Nicolas : Comme ça je lance le truc et… c’est des choses dures de la vie. Donc Barbara a perdu sa maman au début du covid. Pas pour le covid, mais on va dire, c’est plutôt la période. Donc sa maman est décédée d’un cancer. Euh… je crois que quelques mois après…
Barbara : Ouais… C’est mon grand-père.
Nicolas : Ton grand-père… Et puis Barbara aussi a eu un cancer.
Barbara : Oui.
Nicolas : Et donc voilà. Et qui aujourd’hui est bien guéri et donc ça c’est super. Donc voilà, c’était une année un peu… pfff… bien, bien chargée. Et donc, cette performance c’était aussi une sorte de rituel cathartique. Voilà d’où le titre Le crabe qui a vaincu le cancer en sept jours. Et on a fini de nouveau par une procession en ville… avec Barbara. Qui en fait, avec toute la structure qui était une énorme toile d’araignée dans le jardin est devenue une robe pour Barbara. Et puis voilà, on a retraversé la ville et Barbara avait aussi un… la poupée qui est suspendue dans la troisième pièce [de la galerie Le Lieu]. Qui est donc une représentation de Barbara de quand elle était petite. Tout ça pour dire que c’est un projet qui part un peu dans tous les sens et c’est ça qui est chouette. C’est une aventure qui amène toujours à une autre aventure. En tout cas, pour l’instant.
Léna : Oui, qui permet de faire des rencontres et de nourrir votre travail aussi.
Nicolas : Et puis pour moi qui était… enfin qui suis un photographe de l’ordre du documentaire, je veux dire, le fait d’avoir une collaboration avec Barbara ça m’a vraiment permis de faire plein d’autres choses, de découvrir plein d’autres gens, de sortir de mon milieu de photographe, de faire des choses que je ne me serais jamais permis… si j’avais été tout seul. Donc voilà, ça, c’est cool.
Léna : On a appris que vous vouliez éventuellement faire quelque chose ici, à Lorient ? C’est ce qu’on nous a dit et je ne sais pas si après…
Nicolas : Des rumeurs circulent. Par exemple hier on est partis… on est arrivés lundi et c’est vrai que moi je suis excité à chaque fois qu’on arrive quelque part avec Barbara, il y a des costumes, est-ce qu’on n’en profiterait pas pour refaire des images ? C’est l’idée, mais j’avoue que, hier, on est partis en prise de vues, mais c’était timide… dans le sens où on n’a pas de voiture, on n’a pas tous les costumes qu’il faut… Mais là on s’est promené à Locmiquélic. Voilà on est allés se promener un peu au bord de la mer. On avait emmené la méduse de Barbara. Et donc oui, dans l’absolu, si moi je pouvais retourner en Bretagne avec Barbara ça serait super, mais je crois qu’on a besoin de temps en fait. Je me suis un peu trop emballé, personnellement. J’étais venu en été, une semaine pour repérer les lieux, mais c’est un peu comme à Sète, mais à Sète on était aussi six jours, on a travaillé vraiment la préparation de la performance, et c’était un peu se leurrer que de se dire qu’on allait réussir à tourner des images et ici je suis un peu dans le même cas de figure. Mais en fait, j’aimerais bien. Voilà, mais dans tous les cas moi j’ai adoré, je n’étais jamais venu en Bretagne. J’ai trouvé le paysage vraiment magnifique et comme dans les films que je fais avec Barbara, le paysage à toute son importance, c’est aussi un personnage… je trouverais ça super de faire quelque chose ici avec tout cet environnement marin aussi. Mais aussi pour dire toute la vérité, Barbara elle a aussi fait un magnifique costume de sirène et il est très, très beau, mais il est pour l’instant exposé à Sète. Donc si jamais un jour, on pouvait revenir avec le magnifique costume de Barbara, on serait super contents.
Léna : C’est un projet itinérant ? Vous vous baladez un peu partout en France en tout cas pour l’instant, c’est chouette d’interagir comme ça avec différents lieux, différents milieux.
Nicolas : À fond. Ça crée plein de choses, en effet le lieu à toute son importance et c’est vrai que pour l’instant c’est en France et en Europe, mais enfin, ça pourrait se présenter ailleurs… Barbara c’est une grande voyageuse de toute façon…
Barbara : Ouais.
Nicolas : Mais c’est vrai que c’est le fait d’errer, enfin dans tous les cas d’explorer des territoires, ça crée des choses, ça crée des… ça peut avoir une influence sur les costumes, ça peut avoir une influence sur la réalisation du film… Donc oui, c’est vrai que c’est itinérant, c’était un peu l’idée. Et d’ailleurs, juste pour revenir… tous les films sont des trajets. Voilà.
Ester : Il y a toujours, j’ai remarqué une sorte de… pour Barbara dans les bois, c’est à pied, à cheval, en bateau… et moi j’ai bien aimé cette narration à travers les moyens de transport, entre guillemets, et j’ai une question, comment les barques ont été décorées ? Vraiment, ça a beaucoup influencé mon travail ce film. Parce que j’aime beaucoup les costumes et j’ai envie de faire des films en mettant en scène des costumes. Je m’inspire un peu de certains petits bouts du films parfois.
Nicolas : Chouette. Moi je serais curieux de voir en tous les cas. Mais tu fais ça… tu as déjà pris… c’est toi qui filmes ?
Ester : Pour l’instant c’est… là je crée les pièces pour l’instant. Et euh… Je n’ai pas encore commencé à filmer pour l’instant.
Nicolas : Ça serait bien.
Ester : Mais c’est ça aussi que je me demandais, c’est que vous travaillez en binôme et pour vos films aussi vous faites appel à des gens extérieurs ?
Nicolas : Alors en tournage, en tous les cas, on a principalement travaillé à deux. Ça veut dire que… Je veux dire, Barbara était là parce qu’elle incarne Barbara et tous ses personnages, ses multiples personnages et moi j’aimais bien garder cette dimension très petite du plateau de tournage. Et donc, quand il y avait quelqu’un avec nous, souvent c’était la personne de l’atelier textile. J’ai invité deux ou trois fois des preneurs de son, enfin un ami preneur de son à venir. Mais c’était vraiment quelqu’un qui ne cassait pas non plus l’intimité de notre relation. Pour moi c’est important. Mais je crois qu’aujourd’hui ça serait plus simple d’inviter plus de gens, car on a travaillé la performance. Je veux dire que ce n’est pas évident. Ce n’est pas que pour Barbara que je dis ça, mais même pour moi, je déteste avoir quelqu’un, je ne sais pas si… je parle d’une certaine manière… je me trouve parfois maladroit dans la parole. Donc peut-être que quand je parle à Barbara… Je ne sais pas, je n’ai pas envie d’être dérangé pendant le tournage. Donc les gens qui étaient là c’était vraiment des gens de confiance. On a appelé qui ? Donc pour Barbara dans les bois, je te dis il y a un preneur de son, quelqu’un qui pouvait transporter un cheval ou qui s’occupait du cheval pendant que… Mais sinon on n’a pas eu l’idée d’une grosse équipe. Et pourtant pour le troisième film, j’avais envie de ça. J’avais envie de quitter ce rôle. Je voulais un cadreur, je voulais… je crois que j’étais un peu paresseux… je ne sais pas, c’est un mélange de paresse et puis peut-être de décision. Je n’ai pas fait en sorte d’avoir les moyens pour… ça devient des moyens de cinéma, ça aussi c’est différent. Quoique je trouve que parfois il y a des pièces vidéo en arts plastiques, mais avec les moyens du cinéma… C’est vrai que c’est aussi un budget qui doit suivre, faire travailler un cadreur à la journée, trimballer du matos… Tout ça, ça coûte cher. C’est vrai que moi j’ai une production qui a été faite, c’était dans une idée sans budget et on avait 500 euros de pellicule, enfin je veux dire c’était rien. Après il y avait de l’aide-service, sur les bandes de montage etc. Mais voilà donc je ne sais plus si ça répond exactement à ta question, mais c’est l’idée… j’aimais bien ne pas travailler en grosse équipe, moi.
Ester : Ouais, plus en intimité.
Nicolas : Ouais. Et pour le troisième film de Barbara dans les bois, c’est marrant parce que j’avais acheté de la pellicule Super 8 avec Barbara et pour l’instant je tourne majoritairement au téléphone. Voilà donc… ça va peut-être changer, mais voilà je suis de nouveau retourné dans ce petit truc. Le téléphone est bon, il marche bien, mais ce que je veux dire c’est que… pourtant j’avais idée de faire appel à un cadreur, mais justement pour prendre un peu de recul. Je crois que je trouve ça bien aussi, de faire ça. Il y a un moment, je ne regarde pas, fin ce n’est pas moi qui tiens la caméra, c’est… voilà je prends du recul et je regarde ce qu’il se passe.
Ester : Est-ce qu’au fur et à mesure on prend un peu plus ses aises et on a envie de tester d’autres choses ?
Nicolas : Il y a peut-être ça aussi, hum, hum…
Lisa : Moi j’avais une question pour les subventions des films ou en tout cas, le budget que vous aviez pour ces films-là, c’était des budgets qui étaient donnés par des institutions comme par exemple en Andalousie ?
Nicolas : Alors par exemple en Andalousie, eux offraient une bourse de résidence de mixité. Donc en effet là c’était vraiment… donc c’est pour ça qu’ils étaient vraiment en contact avec La S Grand Atelier, car ils avaient déjà travaillé avec d’autres endroits comme par exemple à San Francisco, Creative Growth. Et donc en effet, là il y avait une subvention de la… du Centre d’art andalou, et puis aussi il y a vraiment un support de La S Grand Atelier. Pas La S Grand Atelier, qui est aujourd’hui aussi un centre d’art brut reconnu dans ce qu’on appelle la Fédération Wallonie-Bruxelles qui donne elle aussi des subventions à l’année. Ils ont d’autres types de subventions, c’est aussi un centre d’art qui vend des œuvres, La S Grand Atelier. Donc quand il y a une vente d’œuvres, il y a une partie pour l’artiste et une partie pour le Centre. Donc c’est le même fonctionnement qu’une galerie. Et quand on est en trinôme, voilà c’est… par exemple quand on a une production commune comme Barbara et moi, il y a aussi une partie pour Barbara, une partie pour moi et une partie pour le Centre. Donc ça ramène aussi de l’argent, car aujourd’hui, quand même, La S Grand Atelier est vraiment devenue une référence, on peut dire vraiment d’un point de vue européen, mondial, sur la mixité en atelier avec des personnes porteuses de handicaps mentaux. Donc voilà, ils sont aussi sur beaucoup d’événements en ce moment. Eux, dans tous les cas, nous supportent dans les projets. Et comme c’est des projets qui se font en général avec d’autres centres d’art, il y a de la co-production aussi, ça dépend aussi de chaque projet. Et donc, on peut intervenir, par exemple, au Luxembourg, un pays où il y a plus d’argent parfois… on a eu des cachets d’artiste, ce qui n’est pas toujours le cas. À La S Grand Atelier on dit souvent que c’est les « Punks du handicap », au niveau artistique ils vont partout, ils vont à la fois être dans des centres, de petites galeries hyper alternatives, tout comme de grandes institutions en fait. Donc, ils aiment bien faire le grand écart et c’est ça qui fait leur identité aussi. Je crois que c’est important pour eux de pouvoir dire oui à des petites structures et en même temps de travailler avec de plus grandes.